Humanités numériques et innovations éducatives
Au cours des dernières années, les technologies numériques ont pénétré massivement les pratiques scolaires (Aillerie, 2017). La crise sanitaire vécue à l’échelle mondiale au début des années 2020 a contribué à accélérer ce phénomène. De l’école maternelle à l’université, les technologies sont aujourd’hui mises au service de la collaboration, de l’exploration ou du partage de connaissances, mais aussi du développement de pratiques hybrides ou à distance (Bihl, 2020 ; Trémion, 2019 ; Dagiral, 2011). Ce faisant, elles renouvellent des approches de la forme scolaire qui semblaient presque figées depuis Jean-Baptiste De La Salle, offrant notamment des opportunités pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques ou particuliers des élèves (Barchechath, Magli & Winkin, 2016 ; Vincent, Courtebras & Reuter, 2012). Du côté de la recherche universitaire, ces technologies facilitent également l’analyse de corpus de données numériques et instrumentent l’enquête sur le terrain (Bourgatte & Jacobi, 2019 ; Sensevy, Kuster, Hélary & Lameul, 2005).
Ces pratiques numériques, souvent qualifiées d’innovantes, génèrent des attentes fortes de la part des institutions scolaires et universitaires (Cros, 2002). Les discours institutionnels et les curricula qui en découlent insistent sur la nécessité de l’acquisition d’une culture numérique minimale permettant de mettre en place des projets ou encore de repenser sa pédagogie. Pour autant, les usages scolaires et universitaires du numérique sont loin de faire consensus : des débats et des tensions demeurent. Ainsi, la technique peut aussi être envisagée comme un frein aux apprentissages. Sa maîtrise n’est pas toujours ni aisée ni neutre, elle ne répond pas toujours à des besoins réels, elle nécessite des investissements économiques ou pose des questions éthiques. Des controverses entourent également les usages éducatifs du numérique, quant à leur valeur ajoutée (est-elle significative ou seulement cosmétique ?) ou les conséquences possibles de leur usage intensif (baisse de l’attention et des capacités de concentration par exemple).
Plusieurs paradigmes scientifiques et éducatifs tentent d’apporter des réponses à ces questions. Parmi eux, celui des humanités numériques occupe une place particulière (Bourgatte & Tessier, 2022 ; Tessier, 2020 ; Morandi, 2017). Les humanités numériques ne constituent pas à proprement parler une discipline nouvelle, dotée d’une didactique propre, mais proposent plutôt un réagencement transdisciplinaire. ayant un impact sur la pratique des Lettres, Langues, Sciences Humaines et Sociales (LLSHS) (Bourgatte, Ferloni & Tessier, 2016). Les chercheur·e·s engagé·e·s dans ce mouvement tentent d’articuler pratiques innovantes et regard critique sur le numérique, de renouveler les formes de la recherche et de l’enseignement de leurs disciplines sans pour autant perdre de vue les objectifs fondamentaux des humanités (Berra, 2015 ; Doueihi, 2015). Elles posent, au sens fort, la question de la revitalisation du projet humaniste en évitant l’écueil d’un techno-enthousiasme naïf, mais aussi celui d’une diabolisation caricaturale du numérique. Elles soutiennent au contraire l’intégration des technologies dans l’espace de la recherche et de l’enseignement. Pour autant, les humanités numériques ne sont pas exemptes d’interrogations et de critiques : sont-elles adaptées à l’ensemble des parcours scolaires ou sont-elles réservées à l’enseignement supérieur et aux sciences humaines ? Constituent-elles une véritable rupture dans l’enseignement des LLSHS et une nouvelle manière d’introduire les technologies à l’école et l’université ou ne sont-elles qu’un nouveau prétexte pour la numérisation des enseignements ? (Blanc, 2017 ; Crouzier, 2015 ; Meunier, 2019 ; Tessier, 2020).
Cette journée d’étude, intitulée « Humanités numériques et innovations éducatives », sera consacrée à l’exploration des pratiques éducatives innovantes et à la place occupée par les enseignants et les éducateurs qui se saisissent de la perspective des humanités numériques dans ces nouveaux rapports aux savoirs. Favorisant les échanges interdisciplinaires, l’appel à communication s’adresse aux chercheur·e·s et aux doctorant·e·s en LLSHS travaillant sur les questions des humanités numériques et de l’innovation éducative. Ces questions pourront s’articuler autour de plusieurs thématiques :
- Les Humanités numériques dans les curricula scolaires et universitaires
- Innovations technologiques dans la formation initiale et continue
- Évolutions contemporaines de la forme scolaire et technologies numériques
- Culture numérique, innovations et inclusion
- Perspectives et comparaisons internationales en humanités numériques
- Approches critiques de l’innovation à l’école et à l’université
- Etude et mobilisation des médias numériques à l’école et à l’université
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